A rente brute identique, le montant net diffère selon le régime fiscal applicable…

L’épargne retraite est actuellement un sujet phare avec la mise en place du P.E.R. (Plan d’Epargne Retraite). A ce titre, l’occasion nous est donnée de revenir sur le régime fiscal et social de la rente viagère. En effet, les modalités d’imposition diffèrent selon que l’on appliquera le régime des rentes viagères à titre gratuit ou celui des rentes viagères à titre onéreux. Les impacts différent tant d’un point de vue fiscal (impôt sur le revenu) que d’un point de vue social (prélèvements sociaux ou cotisations d’assurance maladie). Nous vous proposons ici une comparaison entre le PER et certains dispositifs ouvrant droit à des exonérations, à savoir le PEP (Plan d’Epargne Populaire) et le PEA (Plan d’Epargne en Actions).

Rente à titre onéreux (montant brut 10 000 €)

  • Rente nette
  • Impôt sur le revenu
  • Prélèvements sociaux

Rente à titre onéreux exonérée d’IR (montant brut 10 000 €)

  • Rente nette
  • Impôt sur le revenu
  • Prélèvements sociaux

Rente à titre gratuit (montant brut 10 000 €)

  • Rente nette
  • Impôt sur le revenu
  • Prélèvements sociaux

I. Le régime fiscal des rentes à titre onéreux

A. Les rentes concernées

Il s’agit des rentes obtenues en cas d’aliénation d’un capital, sous quelle que forme que ce soit. On citera par exemple :

  • La rente issue d’un contrat d’assurance vie (au profit du souscripteur ou des bénéficiaires si le contrat est dénoué en rente suite au décès) ;
  • La rente issue d’un PEA ;
  • La rente issue de la vente en viager d’un bien immobilier ;
  • La rente issue de la conversion d’un droit d’usufruit en application de l’article 759 du code civil.

 

Pour le P.E.R., relèvent de ce régime les rentes issues des versements n’ayant pas fait l’objet d’une déduction lors du versement (régime optionnel prévu au contrat) ou des versements issus de l’épargne salariale.

En effet, le 6 de l’article 158 du Code général des impôts dispose :

« Ces dispositions ne sont pas applicables aux rentes correspondant aux cotisations n’ayant pas fait l’objet de l’option prévue au deuxième alinéa de l’article L. 224-20 du code monétaire et financier. Elles sont applicables aux rentes correspondant aux versements mentionnés au 1° de l’article L. 224-2 du code monétaire et financier qui n’ont pas fait l’objet d’une déduction du revenu imposable en application de l’option prévue au deuxième alinéa de l’article L. 224-20 du même code ou à ceux mentionnés au 2° de l’article L. 224 2 précité. »

 

Les situations visées sont donc nombreuses.

B. L’impôt sur le revenu

1. Un barème qui détermine la fraction imposable en fonction de l’âge du crédirentier au jour de la première rente perçue

Les rentes à titre onéreux sont soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu mais uniquement pour une fraction de leur montant. En effet, seul un pourcentage de la rente est taxable. Ce dernier est fonction de l’âge du crédirentier au jour de la perception de la première rente.

Au regard du 6 de l’article 158 du Code général des impôts, « Cette fraction, déterminée d’après l’âge du crédirentier lors de l’entrée en jouissance de la rente, est fixée à :

  • 70 % si l’intéressé est âgé de moins de 50 ans ;
  • 50 % s’il est âgé de 50 à 59 ans inclus ;
  • 40 % s’il est âgé de 60 à 69 ans inclus ;
  • 30 % s’il est âgé de plus de 69 ans. »

 

Cette fraction taxable correspond à une  estimation de la proportion de produits composant la rente qui sera versée toute la vie du crédirentier…

Le législateur considère que l’assureur va faire fructifier les sommes non encore aliénées en rente, de telle sorte que des produits vont pouvoir être accumulés et accroitre le montant de la rente versée chaque année.

Si le crédirentier a moins de 50 ans, il va en théorie percevoir une rente pendant une durée suffisamment importante pour que l’assureur puisse accumuler l’équivalent du double du capital initial en intérêts.

Capital aliéné 100 000 € 100 000 € 100 000 € 100 000 €
Produit généré pendant toute la rente 333 000 € 100 000 € 67 000 € 43 000 €
Capital + produits aliénés en rente 433 000 € 200 000 € 167 000 € 143 000 €
Fraction de produits taxables 70% 50% 40% 30%

Ainsi, considérer que 70% de la rente est taxable revient à estimer que pour 100 000 € de capital aliéné avant l’âge de 50 ans, l’assureur arrivera par une gestion active des capitaux non encore convertis en rente à générer 333 000 € de produits. Avec une espérance de vie de 40 ans, cela revient à espérer une performance annuelle de 8,5% !

 

En reprenant la table de mortalité de l’INED et en supposant que la rente est déclenchée à 45 ans, 55 ans, 65 ans et 75 ans, voici le rendement escompté des capitaux investis pour atteindre le barème fiscal

Âge au jour de la première rente 45 ans 55 ans 65 ans 75 ans
Espérance de vie INED 36 ans 27 ans 19 ans 12 ans
Fraction taxable de la rente 70% 50% 40% 30%
Rendement escompté 8,81% 5,77% 5,71% 5,97%

Il semblerait donc que le barème de l’article 158 du CGI soit un peu désuet car si en 1981 ce niveau de taux était constaté, ce n’est plus du tout le cas de nos jours. Une actualisation du barème des rentes à titre onéreux serait donc judicieux dans le cadre d’une prochaine loi de finances….

2. Sort de la rente issue du PEA ou du PEP

Les rentes issues des PEA et PEP bénéficient d’une exonération dès lors que la rente est déclenchée à partir du 8ème anniversaire du placement. Il s’agit respectivement des dispositions du 5° ter et du 22° de l’article 157 du CGI.

Attention, l’exonération d’impôt sur le revenu ne vaut pas exonération au titre des prélèvements sociaux.

C. Les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine

Les prélèvements sociaux sur les rentes viagères sont régis par l’article L136-6 du code de la sécurité sociale (CSS) qui dispose :

« I.-Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l’établissement de l’impôt sur le revenu, à l’exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 :

[…]

  1. b) Des rentes viagères constituées à titre onéreux ; […] »

 

Il s’agit donc des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. Ces derniers sont calculés au taux de 17,2%. Ils sont assis sur la même base que celle retenue pour le calcul de l’impôt. Il s’agit donc de la fraction taxable selon l’âge du crédirentier au jour de la perception de la première rente.

1. Focus sur la CSG déductible

Dès lors que des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine ont été acquittés et que les revenus qui en sont à l’origine ont été imposés au barème progressif, il est possible de bénéficier de la CSG déductible en application des dispositions du II de l’article 154 quinquies du CGI.

Ainsi sur les 17,2% de prélèvements sociaux, 6,8% sont déductibles des revenus perçus l’année du paiement des contributions sociales.

2. Quid pour la rente issue du PEA ou du PEP ?

Le 1° du I de l’article L136-1-2 du code de la sécurité sociale assujettit aux contributions sur les produits de placement (au taux de 17,2%) la rente issue du PEA quand bien même celle-ci serait exonérée d’impôt sur le revenu.

Il en va de même de la rente issue du PEP soumise aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (4° du II du même article).

D. Application chiffrée

Prenons un exemple de calcul sur la base d’une rente annuelle brute de 10 000 €. Quel serait le montant net selon que cette rente est issue :

  • D’un contrat d’assurance vie (ou d’une vente en viager, ou d’une conversion d’usufruit) ;
  • D’un PEA ou d’un PEP.

Nous supposerons que :

  • Le crédirentier est âgé de 60 à 69 ans au jour de la perception de la première rente ;
  • Le taux marginal d’imposition du crédirentier est de 30%.
Impositions Rente à titre onéreux « classique » Rente à titre onéreux issue d’un PEA ou d’un PEP
Base impôt sur le revenu 4 000 € 0 €
Impôt sur le revenu (taux marginal) – 1 200 € 0 €
Base Prélèvements sociaux 4 000 € 4 000 €
Prélèvements sociaux – 688 € – 688 €
CSG déductible 272 € 272 €
Effet CSG déductible 82 € 82 €
Flux net Rente à titre onéreux « classique » Rente à titre onéreux issue d’un PEA ou d’un PEP
Rente brute + 10 000 € + 10 000 €
Impôt sur le revenu (taux marginal) – 1 200 € 0 €
Prélèvements sociaux – 688 € – 688 €
Effet CSG déductible 82 € 82 €
Rente nette 8 194 € 9 394 €

Rente à titre onéreux (montant brut 10 000 €)

  • Rente nette
  • Impôt sur le revenu
  • Prélèvements sociaux

Rente à titre onéreux exonérée d’IR (montant brut 10 000 €)

  • Rente nette
  • Impôt sur le revenu
  • Prélèvements sociaux

II. Le régime fiscal des rentes à titre gratuit

A. Les rentes concernées

Une rente viagère est constituée à titre gratuit lorsqu’aucune contrepartie n’est stipulée en échange de la rente promise. Il s’agit pour l’essentiel des pensions issues des régimes de retraites par répartition.

Par exception, bien qu’il s’agisse au sens juridique d’une rente à titre onéreux, les rentes résultant des produits d’épargne retraite sont imposées dans la catégorie des rentes à titre gratuit (sauf exception pour certaines rentes issues du PER).

B. L’impôt sur le revenu

Les pensions et rentes viagères à titre gratuit, les arrérages de pensions servies au titre du PERP et les prestations de retraite servies en capital sont soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu après application de l’abattement de 10% plafonné à 3 812 € en 2019 et de certaines déductions.

Notons que le plafond de 3 812 € au titre de l’abattement sur pension n’est pas individuel, mais s’applique au foyer fiscal (qu’il soit constitué d’une seule personne ou d’un couple). Il n’est pas rare qu’un couple dispose d’une pension globale de 38 120 €, de telle sorte qu’il n’y a plus d’abattement disponible sur les rentes issues des produits épargne retraite imposées dans le même revenu catégoriel.

C. Les prélèvements sociaux sur les revenus de remplacement et la cotisation maladie

1. Les prélèvements sociaux sur les revenus de remplacement

Les rentes à titre gratuit ne sont pas soumises aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au taux de 17,2%, mais aux contributions sur les revenus de remplacement en application des dispositions de l’article L136-2 du CSS. Ces contributions se décomposent en :

  • 8,3% de CSG
  • 0,5% de CRDS
  • 0,3% de CASA (contribution de solidarité pour l’autonomie)

Soit un total de 9,1%

Toutefois, un taux réduit de CSG est appliqué en fonction du revenu fiscal de référence de l’année précédente (faisant lui-même référence à la pénultième année) :

Nombre de parts dans le foyer fiscal Taux de CSG
0% 3,80% 6,60% 8,3%
1 part Jusqu’à 11 305 € De 11 306 € à 14 780 € De 14 781 € à 22 940 € 22 941 € et plus
1,5 parts Jusqu’à 14 324 € De 14 325 € à 18 726 € De 18 727 € à 29 064 € 29 065 € et plus
2 parts Jusqu’à 17 343 € De 17 344 € à 22 672 € De 22 673 € à 35 188 € 35 189 € et plus
2,5 parts Jusqu’à 20 362 € De 20 363 € à 26 618 € De 26 619 € à 41 312 € 41 313 € et plus
3 parts Jusqu’à 23 381 € De 23 382 € à 30 564 € De 30 565 € à 47 436 € 47 437 € et plus
Quart de part supplémentaire 1 510 € 1 510 € 1 973 € 3 062 €
Demi-part supplémentaire 3 019 € 3 019 € 3 946 € 6 124 €

2. Cotisation assurance maladie (1%)

En application des dispositions de l’article L241-2 du CSS, les rentes à titre gratuit sont également assujetties à la cotisation maladie de 1%. Toutefois, cette cotisation n’est due que si les pensions ont été financées « en tout ou partie par une contribution de l’employeur », soit qu’elles aient donné lieu « à rachat de cotisations ».

S’agissant de l’épargne retraite, les cotisations réalisées dans le cadre de l’article 83 ou 39 du CGI peuvent être concernées, mais pas les rentes issues du PERP ou du Madelin notamment.

3. Focus sur la déductibilité des cotisations de sécurité sociale

Les cotisations maladie sont admises en déduction pour la détermination du revenu net.

4. Fraction déductible de la CSG sur les revenus de remplacement

Conformément au I de l’article 154 quinquies du CGI, la CSG doit être déduite pour son montant correspondant à un taux fonction du taux de CSG appliqué :

Taux de CSG appliqué 8,3% 6,6% 3,8%
Taux de CSG déductible 5,9% 4,2% 3,8%

D. Application chiffrée

Reprenons notre exemple en supposant que la rente annuelle brute de 10 000 € relève du régime des rentes à titre gratuit.

Nous supposerons que :

  • L’abattement de 10% sur les pensions est déjà consommé et ne peut s’appliquer sur la rente complémentaire ;
  • Le crédirentier est soumis au taux plein de CSG soit 8,3% ;
  • Le taux marginal d’imposition du crédirentier est de 30%.
Impositions Rente à titre gratuit
Base impôt sur le revenu 10 000 €
Impôt sur le revenu (taux marginal) – 3 000 €
Base Prélèvements sociaux 10 000 €
Prélèvements sociaux – 910 €
CSG déductible 590 €
Effet CSG déductible 177 €
Flux net Rente à titre gratuit
Rente brute 10 000 €
Impôt sur le revenu (taux marginal) – 3 000 €
Prélèvements sociaux – 910 €
Effet CSG déductible 177 €
Rente nette 6 267 €

Rente à titre gratuit (montant brut 10 000 €)

  • Rente nette
  • Impôt sur le revenu
  • Prélèvements sociaux

III. En conclusion

Flux net Rente à titre onéreux « classique » Rente à titre onéreux issue d’un PEA ou d’un PEP Rente à titre gratuit
Rente brute + 10 000 € + 10 000 € 10 000 €
Impôt sur le revenu (taux marginal) – 1 200 € 0 € – 3 000 €
Prélèvements sociaux – 688 € – 688 € – 910 €
Effet CSG déductible 82 € 82 € 177 €
Rente nette 8 194 € 9 394 € 6 267 €

A rente brute équivalente, le net disponible après frottement fiscal et social varie de manière significative:

Face à ce constat, on peut donc légitimement s’interroger sur les modalités de constitution d’une rente viagère. Faut-il privilégier l’épargne retraite ouvrant droit à une déduction lors de la cotisation et in fine à l’application du régime des rentes à titre gratuit ? Ou faut-il privilégier l’épargne n’ouvrant droit à aucune déduction mais bénéficiant à terme du régime des rentes à titre onéreux ?

 

Seule une projection permet d’avoir une ébauche de réponse…

 

La complexification va s’accroître avec le PER qui combine à la fois des rentes à titre gratuit et des rentes à titre onéreux, avec des traitements distincts au niveau fiscal et social (pour une même rente).

 

Espérons qu’une instruction sera rapidement publiée pour nous fournir des éclaircissements sur les nombreuses zones d’ombre de ce nouveau véhicule de l’épargne retraite…